Bon alors tout sur mon périple estival alias le « 40 ans tour » puisque j’ai attrapé la vieillesse cet été.

J’avais prévu de partir tranquille de mon taf et de son ambiance de dingue en faisant l’école buissonnière le 31 juillet vers 16 heures, mais c’était sans compter sans mon client préféré et un déjeuner à rallonge (3 h à table) où il a fallu jongler entre le Bordeaux et l’Évian sous peine de ne pas pouvoir partir du tout.
Vers 16h30, donc, après un changement expresse dans les chiottes du siège de LA POSTE et un passage radical du costard-cravate Lanvin et de la chemise à bouton de manchettes à une tenue plus fonctionnelle (cuir rapé de la mort, bottes dégeu, ceinture de fort des Halles années 30, foulard « motard afghan » années 70), je m’extirpe des commodités sous le regard subitement alléché des donzelles de l’étage (le cuir, ça fait son petit effet sur la gueuse en tailleur). Les pauvres, elles n’imaginent pas que vu qu’il doit faire 30°C, vaut mieux pas que je quitte mon futal si je peux d’ailleurs encore le quitter vu que ça colle un max aux bonbons.
Après une ovation générale et les encouragements de mes pairs, direction le parking ou mon fidèle destrier m’attend, tant frémissant que rutilant.
Il faut dire que pour ce raid exceptionnel, j’ai cassé miss cochonnette et que je me suis un peu lâché. Une paire de disques avant + les plaquettes que j’ai préféré changer aussi + une belle paire d’amortos arrière EMC + une révision complète + quelques accessoires dont un mini pare brise du plus bel effet mais dont je ne suis pas certain de l’efficacité à vitesse soutenue.
Les disques sortent de chez Accessoirement - Boulogne et ils sont plus beaux et nettement moins chers que les originaux, du moins pour ceux qui aiment le noir car la couronne centrale a été peinte.
Les amortos, je les ai acheté après des mois d’hésitation parce que, mine de rien, c’est pas donné, mais j’ai été séduit par l’accueil et le professionnalisme des gars d’EMC, sans compter qu’en temps que commercial, j’aime bien qu’on me fasse aussi l’article. Je les ai changé tout seul en moins d’1 heure avec quelques grognements herculesques lorsqu’il à fallu que je soulève le cul de ma mémère d’une main pour enfiler la tête de rotule de l’autre…un vrai bonheur….surtout que la rotule en question, elle ne s’appelle pas comme ça pour rien…Il parait que c’est pour absorber les éventuelles torsions du cadre en courbe rapide….Ca promet ! Le hic c’est que les quelques bornes faites en région parisienne depuis cette opération ne m’avaient pas laissées de souvenir impérissable, je commençais donc à regretter mon achat.
J’enquille l’A6 curieusement déserte, direction le Jura, j’ai prévu de pioncer à Champagnole. Y’a 430 bornes d’autoroute à faire histoire de nous décrasser, moi et mes carbus.
Et là, je me rappelle de ce que le patron d’EMC m’a dit : « Ne t’attends pas à des changements spectaculaires mais à garder la banane au-delà de 50 bornes » et je commence à comprendre… Réglées à 15 (sur un potentiel de 32), la moto à vitesse soutenue se comporte comme les roadster de ma jeunesse, c'est-à-dire que la mollesse caractéristique des précédentes suspensions à totalement disparu. Là ou je serrai les fesses vers 130 – 140 en enchaînant les dépassements et les mises sur l’angle, tout me parait plus facile et je m’offre un slalom un tantinet mordant entre les bagnoles vers qui je remonte comme une balle, la bave aux lèvres. Il fait beau, il fait chaud, je chante dans mon casque.
430 bornes plus tard, et un petit 8,5 litres au 100 à 130 – 140 (le mini pare-brise, tout à fait suffisant au demeurant, ça a du bon en regard des 10 – 11 litres que je faisais avant avec la version « chips » Honda), je lâche la partie la moins intéressante de mon périple pour m’enfoncer dans le Jura déjà bien sombre. Champagnole n’a pas grand intérêt si ce n’est sa saucisse de Morteau et son ancien Grand Hôtel Ripotot dans lequel les voyageurs de commerce des années 50 devaient se faire dorloter par une patronne qui n’a pas l’air d’avoir changé depuis. Les piaules sont spacieuses, quant à la déco et la literie, elles vous plongent 40 en arrière, mais pour 50 euros de nos jours, on est déjà bien content d’avoir de l’eau chaude.
Je jette un œil à la météo du lendemain : Alerte orange sur le Jura….Ce risque d’être un tantinet sport.
Et effectivement, à mon réveil, c’est un ciel plombé à mort et déchiré d’éclairs qui accompagne mon départ à l’aube.
Ce qu’il y a de différent en montagne, c’est qu’on a l’impression que les nuages sont plus proches et on se dit que la pluie doit tomber aussi plus drue. Une supposition que j’aurai amplement le temps de tester car après 20 bornes d’échauffement sur des lacets perdus au milieu des exploitations forestières (avec tout ce qu’il faut de sciure collée à la route pour calmer les ardeurs de n’importe quel usager de 2 roues, même sans moteur), je me prends un petit déluge que fort heureusement, Sainte huile de Pieds de Bœuf, rendra inoffensive pour mon épiderme. Néanmoins, j’y vois Keud et je m’enfonce dans la forêt à une moyenne vertigineuse de 40 km/h (ouah !) jusqu’à ce que je tombe nez à nez avec une belle barrière « route en travaux »…. Putain de bordel de merde, ils n’auraient pas pu le dire avant ces cons….. J’avise au autochtone dont l’accent jurassien ferait passer les ch’tis pour des médaillés de concours de diction et, après moult détours, je m’enquille la descente du col de la faucille sous des trombes de flotte, effectuant un tout droit dont j’ai le secret dans le second virage après un rétrogradage un peu intempestif, ce qui me vaudra une belle frayeur et une vue très rapprochée d’une barrière. Frayeur probable également pour la caisse que j’ai croisé sur ma droite à ce moment et dont je remercie le conducteur qui s’est presque arrêté pour vérifier que je n’allais pas me vautrer comme une grosse merde.
Pluie + routes barrées = gros retard sur road book. Il faut dire que je me suis fait des étapes marathon de 500 bornes par jour sur routes à chèvres, c'est-à-dire entre 8h et 9h de route pure hors pauses. Arrivé sur Annecy à mi journée, rincé au propre comme au figuré j’ai déjà fait 70 bornes de trop, je squizze donc une boucle de 100 bornes qui devait me faire passer par l’Alpe D’Huez et je passe directement par la case Col du Télégraphe – Col du Galibier.
Il fait beau, je suis passé en mode « gants d’été », j’ai les canines qui poussent. Arf ! Ca va chauffer sévère !
La route est sèche et propre et c’est tant mieux car elle est également est dénuée de barrières de protection… Je vous passe les détails de cette fin de journée dans les Alpes et de la série de cols enfilés (mention spéciale pour celui de la Bonette, la plus haute route d’Europe, parait il – 2 700 m) et qui pourraient se résumer à BRRRROOOOOOOO, SCRIIIIIIIIITCH, BROOOOOOOOOO, SCRIIIIIIIIIIIIIITCH, les BROOOOOO étant le son mélodieux du flat six en zone rouge renvoyé par les parois rocheuses et les SCHRIIIITCH le bruit des cales pieds entamant largement le bitume, quand ce n’est pas les bottes qui morflent.
Je croise quantité de motards italiens et allemands, principalement sur BM ou sur FJR mais personne porté sur la taquinerie.
J’arrive à JAUSIER vers 17 heures, j’ai le cul tanné. L’hôtel est à chier la bouffe lamentable, la bière au niveau de la pisse d’âne mais du moment qu’il y a un lit, je m’en care.
Le 2 août, je décolle à 6h30 pour m’offrir un levé de soleil sur les sommets environnants. Un dégradé de couleurs fauves m’accompagne, c’est vraiment magnifique.
Avantage du choix de l’heure : personne sur les routes pendant deux bonnes heures. Inconvénient : ça caille, 12 degrés au max, heureusement, sainte presse est là et je porte sur mon poitrail viril une double couche de journaux qui se révèle particulièrement efficace..
Je me tape du col en veux tu, en voilà et j’achève ma virée alpine par celui d’Alloz dont j’enquille la descente vers les gorges du Verdon (magnifique) en compagnie de deux italiens en RSV et R1 qui ne me lâcheront que sur de la portion plus roulante (si on peux dire) parce que mes capacités de pilotage, au delà de 140 sur de la départementale de montagne sont tout de même limitées, et que bon, je suis trop vieux pour ces conneries.
Gorges du Verdon, donc, puis traversée de la Drôme provençale (des cigales et des oliviers) jusqu’à celles de l’Ardèche dont je ne ferai pas l’apologie dans ces lignes. Le revêtement est dégueulasse et les camping cars sont légion.
Pas encore rassasié, je repique au Sud sur Ales et ses 35° (exit les journaux) pour m’achever par la corniche des Cévennes. Si je ne devais garder qu’un seul souvenir motard de cette virée, ce serait celui là. Je ne sais pas par quel miracle les 50 bornes de cette spéciale montante au revêtement qu’on croirait avoir été déposé la veille et vierge de toute trace de gomme jusqu’à mon arrivée ne sont pas assaillies par mes congénères. Très peu de véhicules croisés, donc et une jouissance pure dans l’enfilage des lacets larges qui permettent toutes les audaces et les excentricités. Ca racle dans tous les sens, en particulier sur la droite où je suis nettement moins à mon aise, et lorsque l’immensité du causse de la Lozère se dévoile enfin, on regrette déjà que le tour de manège soit fini.
Je passe la nuit au Grand Hotel de FLORAC, où, toujours pour 50 euros, on a le droit à une piscine et un luxe des années 50 attendrissant.
Après une nuit réparatrice, départ à 6h30, histoire d’enfiler les gorges du Tarn (une splendeur) en toute tranquillité avant de tirer tout droit vers mon Lot chéri et adoré que j’atteindrai pour l’apéro, non sans avoir survolé la spéciale « Limogne – Cahors » à haute vitesse parce que quand on vient de se taper 1000 bornes de cols et autres routes à chèvres, les virages lotois paraissent presque fades.

Bref, rien que du bonheur :
Conso moyenne de 6,5 litres en tirant sur la poignée
pneus à peine entamés au centre (hinhinhin)
casque, blouson, phare, radiateur devenus un cimetière à insectes
Banane pendant 1600 bornes sauf en fin de journée (se rappeler qu’au-delà de 8 heures de bécane sur route de merde, le quadragénaire embourgeoisé à le dos qui commence à tirer un peu et les mains qui fatiguent pour cause d’embrayage de bucheron)

Jamais je ne vendrai cette bécane !

super ta balade, ben dis donc heureusement que tu n'as roulé que 3 jours sinon,
faudrait trouver un titre pour le roman

et apres t'as rien fait ?

tu viens à Evreux ?
bye

Ouais, super CR.
Ca fait du bien de retrouver indirectement ces coins que j'apprécie tant.
Alors le mini pare-brise ? Tu en es content apparemment ?

Je dis Messire

On a déjà fait tout ça mais en 15 jours avec le retour

T'es sur que tu l'as pas mise sur le TGV de temps en temps histoire de nous enfler la glotte

Encore bravo

Super CR YOSH, t'as du talent toi !
Tu peux nous faire péter une tof de ta bécane avec le mini-pare-brise, pour voir ?
Merci !

beau récit, manque juste une photo de la bête avec ses cale pieds crach

Bravo Yosh pour la ballade et l'ardeur de celle ci, mais aussi pour le style de ton écriture. De la bonne lecture!





FiFi le Gnat

le Lot ça se mérite !
Belle virée !

faudra nous montrer la moto avec la pare brise et je suis aussi interréssé pour voir tes disques peint...

a+

Bravo et Félicitations pour ce bien agréable récit que tu nous as fait là
On était avec toi tout au long du parcours tellement ta prose était imagée !
Encore merci !

super ton récit, j'étais à Florac cet été et comme tu l'écris la région avec les gorges du tarn est splendide.
vraiment on si croyait

A+ gilles

Merci pour les commentaires. Pour les photos, je ne suis pas contre, mais je suis nettement pus doué avec un stylo qu'avec une souris. En clair, je suis une vraie burne en informatique et n'ai jamais troivé le moyen de réduire la taille des photos que je prends pour les stocker ou pour imager mon récit

Bravo de nous avoir fait partager ces moments de passion avec autant d'ardeur ! j'y étais et le relirais !
je pense que tu as du prendre beaucoup de plaisir dans ce raid
et apprécier les haltes en soirée !

Bel article l'ami Yosh
belle balade mais surtout quel talent pour écrire

joli petit périple et beau roman......bravo

Super Yosh !
Dis, tu devrais transformer ca en articles, agremente de qq photo... (menu a gauche, soumettre un article)

Récit sympa et j'abonde dans ton sens pour la corniche des Cévennes un vrai bonheur pour le pilotage je l'ai faite dans mon périple du mois d'aout et j'ai pris aussi beaucoup de plaisir entre Entaygues et Estaing dans le lot et personne sur ces routes que du bonheur.Idem pour l'ardèche des routes au revêtement plus que moyen voir très mauvais c'est là les limites de laF6 dans la qualité du revêtement .
Et moi non plus je ne changerai pas ma F6 que du plaisir.
Merci pour tes impressions.